Analyse des mécanismes de dégradation des cellules à oxyde solide par microscopie électronique en transmission et par sonde atomique tomographique (2024)

Contexte scientifique et technologique:

L'électrolyse haute température est aujourd'hui considérée comme la technologie la plus prometteuse pour produire de l'hydrogène avec un faible impact carbone [1]. La réaction d’électrolyse a lieu dans une cellule constituée d’un empilement de couches céramiques (SOC pour Solid Oxide Cell), dans laquelle une molécule d'eau se dissocie sous l'effet d'un courant électrique et d'un apport de chaleur pour former de l'hydrogène et de l'oxygène. Cette technologie est reconnue comme un des axes stratégiques au plan national et au CEA et fait l’objet de recherches tant fondamentales qu’appliquées avec l’ambition de développer une filière industrielle nationale. Une cellule SOC est composée d'un électrolyte dense pris en sandwich entre deux électrodes poreuses. L’électrode à hydrogène (cathode) est un cermet de Nickel et Zircone Stabilisée à l’Yttrium (Ni-YSZ) au sein duquel la réaction de réduction de l’eau se déroule aux lignes de contact triple entre la porosité et les conducteurs électronique (Ni) et ionique (YSZ). L’électrolyte en YSZ, stable sur une large gamme de points de fonctionnement, assure le transport des ions oxygènes entre les deux électrodes. Le matériau d’électrode à oxygène (anode) le plus utilisé est une Ferro-Cobaltite de Lanthane dopée au Strontium, La0.6Sr0.4Co0.2Fe0.8O3 (LSCF), de structure pérovskite ABO3. Cet oxyde possède une activité catalytique satisfaisante ainsi que des bonnes propriétés de conduction mixte ionique et électronique. Néanmoins, afin d’améliorer les performances, il a été très récemment proposé de remplacer ce matériau par un oxyde de praséodyme PrOx imprégné dans un squelette de conducteur ionique en Cérine dopée au Gadolinium (GDC) [2].

De fortes contraintes de durabilité portent aujourd’hui sur ces électrolyseurs haute température. Dans la technologie actuelle, les performances diminuent de l’ordre de 2 à 3% après 1000 h de fonctionnement, ce qui entraîne une augmentation de la consommation énergétique du procédé [3]. Afin de maintenir un rendement élevé de production d’hydrogène, le taux de dégradation doit être limitée à quelques dixièmes de pourcent (0,5%/ 1000 h) [4]. Aujourd’hui, les principales pertes de performances sont imputables à la dégradation des deux électrodes [5]. Pour à terme pouvoir proposer une voie d’amélioration de la stabilité des électrodes, il est essentiel de comprendre leurs mécanismes de dégradation. Pour ce faire, une caractérisation fine des évolutions de la microstructure et de la composition chimique des différents composants des électrodes reste à ce jour indispensable.

Au CEA, différentes méthodes de caractérisation ont été jusqu’à présent utilisées, parmi lesquelles le MEB/EDX, XPS, XRD, XRF ou XR-tomographie largement développée au CEA en collaboration avec l’ESRF. Ces techniques, qui offrent une résolution spatiale allant du micromètre à quelques nanomètres, ont permis de mettre en évidence différents mécanismes de dégradation (ayant donné lieu à de nombreux articles de l’équipe du CEA) qui sont décrits plus précisément dans les paragraphes suivants. La plupart de ces mécanismes semblent impliquer la diffusion de nombreux éléments chimiques, les interfaces entre les différents composants jouant alors un rôle primordial. Il nous a alors semblé qu’il était important de caractériser ces matériaux et particulièrement les interfaces à une échelle beaucoup plus fine. Deux techniques, la microscopie électronique en transmission (TEM) ainsi que la sonde atomique tomographique (SAT), jusque-là peu utilisées (même à l’échelle internationale) dans l’étude de ces matériaux mais largement développées au CEA ou au SIMAP, nous ont semblé être des techniques de choix. Nous proposons donc dans le cadre de cette thèse de les appliquer à l’étude de la dégradation des électrodes. Une étude préliminaire a été menée et a montré des résultats très prometteurs ainsi que la complémentarité de ces deux techniques pour étudier les matériaux des cellules SOCs.

Dans l’électrode à hydrogène, le cermet de Ni-YSZ, est soumis à une coalescence des particules de Ni sous l’effet des hautes températures [6]. Par ailleurs, une migration substantielle du Ni depuis l'interface électrolyte/cermet est généralement observée lors d’un fonctionnement en mode d’électrolyse [7]. Cette migration conduit à une perte de Ni dans la zone électrochimiquement active expliquant une part importante des pertes de performances. Néanmoins, le mécanisme sous-jacent à l’origine de la migration du Ni, est peu ou mal compris et fait encore l’objet de nombreuses études [8-10]. Dans ce cadre, nous avons récemment proposé un mécanisme basé sur une évolution de l’énergie d’interface Ni/YSZ sous polarisation [8]. Cependant, l’évolution physico-chimique de cette interface lors du vieillissem*nt reste très peu étudiée et peu d’informations ont pu être obtenues par les moyens de caractérisation utilisés jusqu’à présent. La microscopie électronique en transmission ainsi que la sonde atomique devraient apporter des réponses sur l’évolution probable de la chimie de ces interfaces.

Les dégradations sont également associées à une instabilité en fonctionnement du matériau d’électrode à oxygène standard (LSCF) [11]. En effet, une décomposition du LSCF est généralement observée conduisant à une ségrégation du Sr en surface des particules. Il en résulte un film isolant de SrO à la surface du matériau qui bloque les sites d’échange de l’oxygène avec la phase gazeuse. La diminution en Sr sur le site A de la structure pérovskite engendre également une diminution de la conduction ionique du matériau [12]. Enfin, le Sr réagit avec le matériau d’électrolyte YSZ pour former des phases secondaires isolantes de type SrZrO3 à l’interface avec l’électrolyte [11]. Le mécanisme de décomposition du LSCF et de réactivité aux interfaces fait également l’objet de nombreuses études [11,13-16]. Plus particulièrement, le rôle de la polarisation ou encore des impuretés dans la phase gaz doit être encore éclairci ce qui nécessite la mise en œuvre de caractérisations avancées. Dans ce cas aussi, l’étude des évolutions des compositions à l’échelle atomique, que permet le TEM et la SAT, semble pertinente. En effet l’étude préliminaire combinant la microscopie électronique en transmission et la sonde atomique [16] ont mis en évidence des inter-diffusions qui pourraient jouer un rôle clef sur la stabilité des phases.

Programme scientifique et résultats escomptés

Dans cette thèse, nous proposons d’appliquer la microscopie électronique en transmission et la sonde atomique pour étudier la dégradation des électrodes de cellules à oxyde solide après vieillissem*nt sous courant. Il s’agira d’une part de mettre en œuvre les différentes techniques de microscopie électronique avancées couplées à l’EDX et à l’EELS disponibles au CEA/LITEN/DTNM (plateforme de la PFNC). En particulier, grâce à l’acquisition récente d’un nouveau microscope, équipé d’une caméra de dernière génération à détection directe sur le spectromètre EELS, la composition chimique et les degrés d’oxydation à l’échelle atomique seront finement analysés. D’autre part, des analyses menées sur la nouvelle sonde SAT du SIMAP permettront d’avoir une information tridimensionnelle particulièrement adaptée à la structure complexe de ces matériaux. La corrélation de ces deux techniques permettra d’obtenir des information quantitatives en s’affranchissant de certains artefacts inhérents à chacune de ces techniques.

Pour le projet, des cellules seront préalablement testées en mode d’électrolyse sur de longues durées (>3000 h). L’évolution de l’interface Ni/YSZ sera caractérisée par microscopie électronique en transmission haute résolution et sonde atomique tomographique pour notamment mettre en évidence une ségrégation possible d’impureté sous polarisation. Pour les deux matériaux d’électrode à oxygène, on s’attachera plus particulièrement à caractériser les inter-diffusions, ségrégations et changements du degré d’oxydation des éléments. Les résultats issus de ces caractérisations seront discutés et analysés à l’aide de modèles déjà existant au sein d’un des laboratoires impliqués dans la thèse. Ces travaux devraient permettre de mieux appréhender les mécanismes de dégradations des cellules d’électrolyse haute température. Des recommandations sur leur fabrication pourront donc être émises afin d’en améliorer la durée de vie.

Cette thèse permettra également d’initier une collaboration entre le CEA, possédant des moyens de caractérisation avancée par microscopie électronique, et le SIMAP, possédant avec leur nouvelle SAT des moyens très complémentaires.

Organisation de la thèse

Pour mener à bien ces études, le programme de travail se déclinera en quatre principales tâches :

Tâche 1. Vieillissem*nts des cellules: Des vieillissem*nts sous courant de longues durées (entre 2000 h et 5000 h) seront effectués au CEA/LITEN/DTCH sur des cellules standards (Ni-YSZ//YSZ//LSCF) et des cellules de nouvelle génération (Ni-YSZ//YSZ//PrOx-GDC) fabriquées par le CEA. Ces tests de plus de 3000 h sont d’ores et déjà prévus en 2024 au CEA/LITEN/DTCH.

Tâche 2. Microscopie électronique en transmissions : La préparation des échantillons sous forme de lames minces et les observations en TEM seront faites au CEA sur les instruments de la PFNC (FIB et TEM) par le doctorant. Cela nécessitera une formation sur les équipements pendant laquelle le doctorant manipulera accompagné par les encadrants. Par la suite, il utilisera les microscopes en autonomie pour analyser les cellules standards et les cellules de nouvelle génération.

Tâche 3. Sonde atomique : De même, les préparations de pointes pour la SAT seront faites à la PFNC. En revanche, les caractérisations par sonde atomique seront conduites à Grenoble-INP/SIMAP et les données pourront être corrélées à des informations de microscopie électronique acquises sur les même échantillons.

Tâche 4. Interprétation et valorisation des résultats: Toutes les analyses seront discutées en lien avec les modèles développés au CEA/LITEN/DTCH pour mieux appréhender les mécanismes de dégradations. Une fois les mécanismes mieux connus, des pistes et recommandations sur la fabrication des cellules pourront être émises afin d’améliorer la durée de vie des électrolyseurs. Ces solutions pourront être mise en œuvre par les équipes au CEA en charge de la mise en forme des cellules.

Analyse des mécanismes de dégradation des cellules à oxyde solide par microscopie électronique en transmission et par sonde atomique tomographique (2024)
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